samedi 18 septembre 2010

Jeûne citoyen


JEÛNE CITOYEN

IMMIGRATION

UN PROJET INDIGNE




La lettre d'information des jeûneurs

9ème jour de jeûne contre le projet de loi immigration




Fin du 9ème jour de notre jeûne citoyen.

La place Herriot est plus calme qu'hier, on a réinstallé la tente. Des visites régulières, quelques medias. La journée est marquée principalement par la rencontre avec des membres de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH) et la rencontre avec le Collectif des Sans Papiers du 17eme arrondissement de Paris (CSP17).

La CNCDH est une commission indépendante composée de personnalités d'ONG, rattachée pour ses moyens de fonctionnement au cabinet du Premier Ministre. Elle conseille le Parlement sur les questions de droits de l'homme, les projets de lois lui sont soumis (elle a eu entre les mains
le projet de loi sur l'immigration), elle a un rôle de vigilance en France et à l'international pour l'ONU sur ces questions, rédige des rapports annuels internationaux sur ces sujets, etc.

Nous avons donc été reçus dans les locaux nationaux des droits de l'homme... et avons commencé la réunion par quelques interventions des jeûneurs.

Jean Paul Nuñez rappelle les grandes lignes de notre démarche de jeûne et l'appel à la responsabilité et la conscience des députés.

Alain Richard explique que notre démarche n'est pas politique. Il explique comment les valeurs économiques écrasent dans nos sociétés modernes les valeurs morales et se demande si les élus se rendent compte de la gravité de ce projet de loi, avec notamment la mise à l'écart de la justice.

Jean Baptiste Libouban insiste sur la gravité de la minimisation du rôle du juge et sur l'influence de ces lois injustes sur les citoyens de notre pays et à l'extérieur.

Jean Pierre Garbisu déplore l'instauration progressive d'une société de la peur, peur pour les personnes que l'on pourrait soupçonner d'être en situation irrégulière, peur pour celles qui le sont effectivement et peur enfin d'une grande majorité de citoyens qui hésitent à intervenir par peur de surveillance, représailles, etc. A-t-on vu en France un tel climat de peur généralisée depuis la fin de la 2nde guerre mondiale, même si on est bien sûr dans un contexte complètement différent ?

Ana Verissimo rappelle la responsabilité des députés et relis une partie du texte de l'appel des jeûneurs.

Pierre Rosenzweig rappelle que les quelques députés qui nous soutiennent nous considèrent comme des éveilleurs de conscience mais qu'il s'agit plutôt d'être des lanceurs d'alerte, vu la gravité de la situation actuelle.

Puis les membres de la CNCDH prennent la parole.

Mr Brugière, de PrimoLevi (ONG de vigilance contre les pratiques de torture dans le monde), considère que notre démarche met en avant l'espoir, alors qu'il a lui-même peu d'espoir sur la prise de conscience du gouvernement sur ces sujets. Il rappelle qu'on assiste en France à un véritablement démantèlement de tout ce qui a été construit depuis des décennies dans l'éducation, la santé, l'ensemble du service public en fait et bien entendu dans la politique d'immigration. Tout ou presque est abimé dans notre société. Le pouvoir veut nous imposer une nouvelle manière de vivre, en évinçant tout un socle de valeurs françaises historiques.

Mr Cabouat, de la Croix Rouge Française, dit être impressionné par notre démarche mais semble partager le manque d'espoir de Mr Brugière.

Mme de Coster, d'ATD Quart Monde, évoque un rassemblement cet été de jeunes issus de milieux très pauvres qui, par la rencontre de l'autre, ont appris à éloigner la peur, la honte d'être différent.

Mr Forst, secrétaire général de la CNCDH, est touché par notre parole et notre geste et rappelle une phrase de JP Nuñez qu'il connait bien : « Quand on touche l'étranger, on est touché par lui ». Il faut donc rompre cette glace qui sépare l'étranger de nous et casser cette peur qui se généralise entre les communautés en France.

Mme Polionovski, d'ATD Quart Monde nous informe qu'elle est issue d'une famille d'immigrés, qu'elle est très malheureuse de la situation actuelle en France et nous remercie à son tour pour notre démarche.

JP Nuñez appelle à de nouvelles formes d'action et nous conjure de ne pas céder à la désillusion. Ne nous laissons pas accabler. Ce sont des logiques que l'on combat, pas des hommes. B. Obama n'a pas fait démanteler le mur érigé par G. Bush entre les E.U. et le Mexique. Il faut sortir de la peur et ne pas faire à l'autre ce qu'on ne voudrait pas qu'il nous fasse.

A. Richard rappelle qu'un certain nombre de jeûneurs ont été formés et veulent poursuivre l'héritage de Gandhi, pour qui on ne peut progresser à l'intérieur du conflit qu'avec celui auquel on s'oppose, avec respect mais très grande fermeté.

JP Garbisu s'interroge sur ces murs qu'on érige de plus en plus haut entre les communautés, comment les défairons-nous ?

A. Verissimo rappelle le courage de Mr Pinte qui dans son parti de la majorité s'oppose presque seul à la politique dictée d'en haut et suivie profil bas par la majorité des autres députés.

M. Forst rappelle que de Bruxelles à Strasbourg, du Vatican à New York, tous les hauts responsables européens et internationaux des droits de l'homme et même les plus hauts dignitaires des Eglises se sont exprimés sur leur très grande préoccupation face à ce qui est en train de se passer en France aujourd'hui. Le gouvernement français n'en tient nul compte, ne recule pas, au contraire campe sur ces positions et ira encore plus loin avec cette nouvelle loi.

JP Cabouat nous demande comment les députés ont réagi à notre démarche.

JP Nuñez estime que cette fois les députés ne sont pas dans leur réaction habituelle, il y a un glissement vers quelque chose de plus humain, au-delà des appartenances politiques.

A. Richard veut continuer à croire à l'humanité des gens en face de nous.

P. Rosenzweig rappelle qu'être plus humain est une tâche lente et collective.

JP Garbisu rappelle une proposition évoquée cette semaine par Mr Schlumberger : l'élaboration d'une nouvelle convention internationale sur l'hospitalité entre les peuples adaptée à la mondialisation et aux déplacements des personnes.

M. Forst rappelle que ce type de convention internationale existe depuis des décennies, qu'elle est ratifiée uniquement par des pays du Sud, et qu'aucun état européen n'est prêt aujourd'hui ni envisage même dans le futur de ratifier un tel texte.

Fin de réunion. Les jeûneurs ont pris plaisir à être reçus et échanger avec les représentants de la CNCDH. Avec le sentiment peut-être que nous étions plus optimistes qu'eux. Ils sont affligés de la situation actuelle, qu'ils analysent en profondeur, et du manque d'écoute accordée à leurs alertes et leurs propositions.

Rencontre avec le CSP 17

Une rencontre haute en couleurs, musique rythmée, flute entêtante et guitare d'ailleurs de musiciens voyageurs qui se sont accordés aux tambours africains, danses, échanges émouvants et gravité devant ce que vivent ces femmes et ces hommes en France, souvent depuis des années.

Le CSP17 est en grève depuis octobre 2009... et a participé début juin 2010 à l'occupation des marches de la Bastille. A l'issue de cette action, environ 6700 étrangers sans papiers ont reçus « la lettre 340 du 24 juin 2010 », signée du Ministère de l'immigration, qui les autorise à travailler en attendant leur régularisation administrative qui doit intervenir le 30 septembre 2010 au plus tard. Aujourd'hui 16 septembre, quelques régularisations seulement ont été obtenues dans le département 93. Aucune visiblement sur les autres départements d'Ile de France. Les préfectures bloquent tous les dossiers, à l'encontre de la décision ministérielle. Vivons-nous encore dans une République ?

Les sans-papiers, dont beaucoup viennent de zones rurales du Mali, nous expliquent qu'ils ont quitté leurs terres et leurs familles à cause de la sécheresse qui provoque des récoltes maigres qui ne permettent plus l'autosuffisance. Ils sont la préfiguration des réfugiés climatiques dont le nombre va croitre exponentiellement dans les décennies à venir du fait des dérèglements climatiques. L'ONU planche actuellement sur le statut de réfugié climatique.

La révolution verte que les grandes multinationales préparent éhontément pour l'Afrique, l'Inde, à coup d'OGM, d'agriculture industrielle, etc. si elle se met en marche, va les vider de leurs campagnes, les entasser dans les mégapoles du Sud et les candidats à l'exil seront toujours plus nombreux. Au péril de leur vie, les jeunes hommes les plus forts partent pour l'Europe dans l'espoir de trouver un travail et de pouvoir renvoyer de l'argent pour aider leur famille au pays. Et ici l'enfer commence pour eux. D'ici, outre tout ce qu'ils subissent, ils doivent aussi supporter l'éloignement de leurs familles lors des décès de leurs parents proches.

Ils dénoncent les dérives totalitaires en France qu'ils croyaient patrie des droits de l'homme. Ils nous mettent en garde sur ce qui nous menace aussi, nous français, avec de tels régimes. Depuis 15, 10 ou 5 ans, ils paient ici en France impôts, loyers, facture comme tous les français.

Ils remercient les jeûneurs, un peu bluffés probablement que ces quelques français arrêtent de manger pour eux. Nous leur avons dit que nous le faisons pour nous aussi et notre conscience collective.

Ce sont les plus riches qui créent la misère, pas les plus pauvres.

Ces femmes et hommes africains, malgré l'adversité, sont magnifiques dans leur calme, leur détermination, leur finesse de jugement, leur force. Notre jeûne nous semble bien peu de chose au regard de ce qu'ils endurent.

Fin de cette lettre. Nous vous disons à demain pour la dernière lettre qui racontera le cercle de silence à l'Assemblée Nationale et la rupture du jeûne avec soupe pour tous nos visiteurs.

Merci pour votre lecture.

Jean Pierre, pour les jeûneurs.


Merci à vous tous amis-jeûneurs, et merci à l'araignée marrante qui m'a envoyé ce mail .


Si certains sont sur Paris ou alentours, n'hésitez pas à aller soutenir le groupe ?

Bonne journée à tous !

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