Les amies-amis, je vous relaie l'info une fois de plus car elle vient de mon réseau. Faites circuler ne serait-ce que par solidarité avec ceux qui vont mourir.
Comme vous avez remarqué, j'ai changé le titre car je ne vois pas où sont les héros. Oui héros ils sont, mais sacrifiés encore plus !
Faisons attention aux mots : liquidateurs = liquidés. Ce ne sont pas ces hommes qui se sont sacrifiés qui ont liquidé, ce sont eux qui ont été liquidés.
Pareil pour ce mot "héros". Bien sûr qu'ils le sont, mais ils sont tout d'abord des gens qu'on sacrifie !
Remettons les mots à leur place avec leur valeur. C'est trop important.
N'hésitez pas à aller lire sur les liens-sources, les autres articles qui pourraient vous intéresser.
Source : Cent Papiers
http://www.centpapiers.com/fukushima-daiichi-le-visage-des-heros/80615
Au début de ce mois, Kazuma Obara a été le premier photojournaliste à accéder sans autorisation à la centrale électrique et a réalisé un reportage exclusif sur la vie à l’intérieur de l’établissement.
http://www.centpapiers.com/fukushima-daiichi-le-visage-des-heros/80615
Fukushima Daiichi : le visage des héros
Le journaliste japonais Kazuma Obara a souhaité visiter l’intérieur de la centrale de Fukushima Daiichi afin d’y rencontrer ceux qui y vivent tous les jours, qu’il considère comme des héros. Bravant sa propre peur de la radioactivité, il a réussi à s’introduire dans le site nucléaire. Cela n’a été possible que grâce à l’aide d’un contact qui y travaille et qui veut que le monde sache dans quelles conditions lui et les autres ouvriers travaillent.
Kazuma Obara a recherché vainement au Japon un journal qui accepte de publier ses photos. Il s’est donc tourné vers l’Europe et a trouvé The Guardian. En avez-vous entendu parler en France dans les médias ? L’info a été brièvement reprise par quelques journaux en ligne, sans plus… En revanche, une télévision allemande a réalisé une interview du journaliste (1).
Emu par le témoignage de Kazuma Obara, Gilles Chertier m’en a transmis la traduction, afin que les Francophones puissent aussi profiter de ce reportage. Je publie volontiers ces textes car c’est l’objet même de ce blog : informer sur la catastrophe de Fukushima Daiichi, « car il est tout simplement très difficile d’avoir des infos dans notre France nucléarisée ».
Voici donc l’intégralité de ces commentaires, chaque image associant le texte original en anglais. Merci à Gilles de nous avoir fait partager ce témoignage saisissant.
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A l’intérieur de Fukushima
Lien vers l’article original : « Inside Fukushima – interactive guide »
Au début de ce mois, Kazuma Obara a été le premier photojournaliste à accéder sans autorisation à la centrale électrique et a réalisé un reportage exclusif sur la vie à l’intérieur de l’établissement.
Emballage rose
Voici la première photo que j’ai faite à 7 heures du matin, après avoir pris mon travail. Je l’ai prise avec un appareil numérique compact que je transportais dans une pochette en plastique bleue, distribuée à chacun de nous pour emporter nos cigarettes, notre portefeuille, notre téléphone portable, etc.
Les murs, le sol et les portes de ce secteur sont entièrement recouverts de feuilles de plastique rose. Pendant que je me tenais là, un homme est passé et son dosimètre personnel, qui mesure le rayonnement, a commencé à biper. J’ai vu les mesures des radiations indiquées dans toutes les salles où je suis entré.
Entrer dans la centrale n’a pas présenté de difficulté. J’ai été surpris par le laxisme de la sécurité. Au J Village, complexe d’entraînement sportif proche de la centrale, où résident bon nombre des ouvriers, nous avons dû enregistrer la voiture et le nom de ma société. Cependant, les occupants du véhicule n’ont pas eu à se présenter. J’ai simplement prétendu être un employé de la société pour laquelle travaille mon ami, et on nous a laissé passer.
Même à l’intérieur du périmètre d’exclusion de 20 kilomètres, très peu d’ouvriers portaient des masques malgré un rayonnement très élevé. Ils semblaient blasés quant à la nécessité de se protéger. D’ailleurs, les masques sont extrêmement chauds et inconfortables. Au moment où nous avons franchi le portail, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce qui se passerait s’il y avait une autre explosion, comme celles qui se sont produites dans les jours qui ont suivi le tsunami.
Fukushima sans masque
J’ai pris cette photo du masque de mon contact pendant l’une de nos pauses de trois heures, dans un bâtiment qui se trouve à environ cinq minutes en voiture du réacteur, mais à l’intérieur du complexe de la centrale. Nous devions changer de vêtements de protection et faire contrôler notre exposition aux radiations à la fin de chaque période de travail. Ensuite, nous devions nous préparer pour retourner travailler. De ce fait, le temps de pause effectif n’était que d’une demi-heure.
La journée de travail dure six heures au total et débute à 7 heures du matin. Après la dernière période de travail, vous pouvez faire une autre pause ou retourner directement à votre logement. Il n’y a pas grand-chose à faire pendant les pauses. Certains ouvriers font une sieste, tandis que d’autres bavardent ou fument des cigarettes.
Repos
Ces deux hommes profitent de leur pause pour dormir un peu. J’ai pris cette photo dans une salle suffisamment grande pour 30 tatamis, où le sol avait été recouvert de bâches de camping argentées. A un moment donné, 30 à 40 hommes y dormaient à même le sol.
A 11 h 30, lorsque les ouvriers revenaient épuisés de leur deuxième période de travail, ils s’allongeaient tous sur les tatamis. Quand la place vient à manquer, ils s’assoient sur le sol des couloirs pour y somnoler. Certains d’entre eux semblent très jeunes. Ils ont les joues rougies par l’effort. A cette heure-là, les rires et les bavardages du matin avaient cessé, et tous luttaient contre l’épuisement.
Témoin muet
J’ai pris cette photo de trois hommes en train de fumer avec un minuscule appareil photo qui ressemble à un ancien modèle argentique 110 mm en jouet. Je n’ai pas parlé avec ces hommes et j’ai soigneusement évité leur regard. Outre sa petite taille, cet appareil photo présentait l’avantage d’être silencieux.
C’était l’un des deux appareils que j’ai utilisés à l’intérieur des bâtiments de la centrale. Lorsque j’étais à l’extérieur de la voiture de mon contact sur le site, j’utilisais quatre appareils reflex numériques professionnels. J’ai réussi à prendre une centaine de photos au long de la journée. De temps en temps, un ouvrier me repérait en train de faire des photos, mais Tepco et les autres sociétés qui interviennent sur le site en font souvent pour leur propre usage. Il n’était donc pas inhabituel de voir quelqu’un avec un appareil photo, et personne ne m’a posé de questions.
Peut-être que quelqu’un savait ce que je faisais, mais tenait à ce que publie ces photos. En tout cas, c’est le point de vue de mon contact. Il m’a aidé parce qu’il veut que le monde sache dans quelles conditions lui et les autres ouvriers travaillent.
« J’étais mort de peur en voyant les réacteurs »
Lorsque la deuxième des trois périodes de travail a commencé, je me suis joint à des ouvriers qui se tenaient à l’extérieur, équipé de vêtements de protection. Après avoir porté mon masque pendant une vingtaine de minutes, j’ai ressenti une douleur perçante tout au fond du nez. J’ai commencé à avoir de la difficulté à respirer. Au bout d’une trentaine de minutes, j’avais des élancements très douloureux du côté gauche de la tête. Je ne sais pas si c’était dû au manque d’oxygène ou parce que le masque était trop serré. Au bout d’une heure, la douleur était intolérable et je n’avais qu’une hâte : que l’heure de la pause arrive et que je puisse retirer mon masque. Une fois que vous avez mis votre équipement de protection, il est impossible de boire ou d’aller aux toilettes.
Je dois admettre que j’étais terrifié en voyant les réacteurs n°1 et 2 pour la première fois de mes propres yeux.
Fenêtres disparues
Ce bâtiment se trouve à proximité du réacteur n°1. Ce n’est pas ma meilleure photo, mais l’endroit m’a frappé parce que toutes les fenêtres avaient disparu et que tous les débris du tsunami avaient été évacués. Le bâtiment ressemblait à beaucoup d’autres que j’avais vus le long de la côte de la préfecture d’Iwate, d’où je suis originaire. Par contre, cet endroit avait quelque chose de mystérieux. Je me suis demandé à quoi il servait avant d’être endommagé.
« N’abandonne jamais, Fukushima »
Vous voyez le réacteur n°2 au premier plan sur la gauche et, derrière lui, légèrement dissimulée, l’enveloppe du réacteur n°3. J’ai été stupéfait de voir autant de tuyaux à l’air libre. On ne les avait jamais vus à la télévision.
Le 1er août, Tepco a annoncé qu’un rayonnement de 10 000 millisieverts par heure avait été détecté entre les réacteurs n°1 et n°2, non loin du panneau où les idéogrammes peints en rouge proclament : « D’un même élan du cœur : n’abandonne jamais, Fukushima ». En se tenant une minute et demie à cet emplacement, un ouvrier dépasserait la dose annuelle limite de 250 millisieverts. A l’époque, les ouvriers n’en avaient pas été avertis. On ne leur a d’ailleurs jamais rien expliqué, même suite à cette annonce.
Lorsque j’ai quitté la centrale à la fin de la journée, le contrôle des radiations a montré que j’avais été exposé à une dose de 60 microsieverts en l’espace de six heures. Je me demande quels en seront les effets à long terme sur ma santé, mais je m’inquiète surtout du sort des jeunes gens qui travaillent ici jour après jour.
« Personne ne savait ce que faisaient les autres »
Je ne sais pas exactement ce que faisaient ces deux hommes. C’était le côté le plus insolite du travail à la centrale. Il y avait très peu de contact avec les autres ouvriers ; de ce fait, personne ne savait ce que faisaient les autres. Je n’ai d’ailleurs pas vu tellement de monde, et j’imagine que la plupart des ouvriers présents sur le site se trouvaient à l’intérieur des bâtiments des réacteurs, mais je n’avais aucun moyen d’y pénétrer.
Réservoir toxique
Le réservoir bleu contient de l’eau contaminée pompée depuis les bâtiments des réacteurs, où elle s’est accumulée pendant les tentatives de refroidissement des barres de combustible. Je ne sais pas très bien à quoi servent les réservoirs cylindriques sur la droite.
Il est étrange d’en savoir si peu sur les gens qui travaillent à Fukushima Daiichi. Les ouvriers eux-mêmes ne connaissent pas la finalité de leur travail, ce qui est très mauvais pour la motivation. C’est une des raisons pour lesquelles le nettoyage prend aussi longtemps. Si notre travail ne dit rien qui vaille aux gens de l’extérieur, je préfère ne pas imaginer ce que ressentent les ingénieurs à l’intérieur des bâtiments. Les sous-traitants refusent d’écouter les conseils ou les idées des salariés. Ils se contentent de donner des ordres et d’exiger que tout le monde obéisse. C’est tout le contraire de ce qui se fait dans la plupart des autres sociétés japonaises.
Il est impossible de garantir la santé et la sécurité des ouvriers de la centrale. Est-ce que leurs conditions de travail leur permettent d’être efficaces ? Les ouvriers sont-ils suffisamment protégés, ou sont-ils considérés comme jetables ? C’est pour tenter de répondre à ces questions que j’ai décidé de pénétrer dans la centrale.
Ils risquent leur vie pour nous protéger, mais les médias ne font rien pour les protéger, eux, en parlant de leur situation. Les stations de télévision pixellisent le visage des ouvriers pour rendre leur identification impossible. Pourquoi dissimuler le visage de héros ?
Ils risquent leur vie pour nous protéger, mais les médias ne font rien pour les protéger, eux, en parlant de leur situation. Les stations de télévision pixellisent le visage des ouvriers pour rendre leur identification impossible. Pourquoi dissimuler le visage de héros ?
Le plein
Nous nous sommes arrêtés à cette station-service sur le terrain de la centrale nucléaire alors que nous sortions pour notre pause. Bon nombre des ouvriers vivent non loin de là et prennent leur voiture pour aller travailler. L’essence est gratuite, sinon les frais de carburant seraient trop élevés pour qu’ils puissent continuer à travailler à la centrale.
(1) reportage de la chaîne allemande ZDF sur le photographe Kazuma Obara
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